J‘ai monté un petit escalier jusqu’à la porte d’entrée et il était là : Un petit garçon de deux ans, à l’enfance difficile, qui allait bientôt devenir mon fils.
Le geste de sa petite main et son regard triste m’ont donné envie de l’entourer de mes bras, de l’aimer et de lui offrir l’enfance la plus heureuse possible. Je pensais qu’il serait facile de faire disparaître sa douleur et de tout arranger. J’ai vite appris que c’était loin d’être la vérité.
Le lien ne s’est pas créé tout de suite. J’étais la mère numéro trois pour lui, et il avait fini de s’attacher, de perdre. Oh, mais j’ai essayé – j’ai parlé à son pédiatre, à son tuteur légal et à son assistant social dans l’espoir que l’un d’entre eux pourrait me donner des conseils pour aider mon fils à créer des liens avec moi. En plus de cela, il s’est réveillé nuit après nuit en en hurlant que la maison était en feu.
Je ne pouvais que spéculer sur la souffrance et le traumatisme que mon petit garçon avait endurés. Les professionnels m’ont encouragée à être patiente et à tenir bon ; après tout, il était “trop jeune” pour une thérapie ou des interventions et finirait par “surmonter” ses peurs et devenir un enfant heureux.
La route était longue, et les murs étaient hauts et difficiles à gravir. Nous sommes souvent arrivés au sommet pour retomber au point de départ. Notre petit garçon blessé, en colère et effrayé ne comprenait pas et, en tant que parents, nous avions mal pour lui et pour nous-mêmes.
Que pouvions-nous faire de plus ? Et cela serait-il suffisant ? Devions-nous croire le psychiatre qui nous a dit, alors que notre fils n’avait que 9 ans, que nous devions revoir nos attentes à la baisse – accepter le fait que des enfants qui présentaient beaucoup moins de problèmes de santé comportementale que notre fils passaient la majorité de leur vie dans des institutions ?
Nous avons décidé de ne pas “réduire nos attentes” et de ne pas abandonner notre fils. Il y avait une raison pour laquelle nous étions dans sa vie et lui dans la nôtre.
Pourtant, les choses sont allées de mal en pire.
Il a été arrêté à 11 ans et a passé huit semaines en détention juvénile en attendant son procès. Lors de son audience, j’ai supplié le juge de permettre à mon fils de fréquenter un centre de traitement résidentiel pour jeunes garçons. Le juge a eu pitié de moi et a accepté. Il a condamné mon fils à un traitement résidentiel pendant 18 mois.
Pendant ce temps, je continuais à chercher du soutien pour les familles comme la nôtre. Nous avions perdu la plupart de nos amis. Nous ne leur en voulions pas : ils avaient peur de nous côtoyer ou en avaient assez d’entendre parler de nos déchirements.
Par chance, j’ai trouvé dans le bureau du gestionnaire de cas de mon fils un prospectus pour le programme de soutien aux jeunes familles de NAMI North Carolina. J’ai envoyé un courriel à la conseillère en soutien familial du comté où nous vivions, et elle m’a invitée à déjeuner.
Alors que nous bavardions et apprenions à nous connaître, elle m’a donné un dossier contenant des informations sur NAMI et une invitation aux réunions du groupe de soutien prévues pour le mois suivant. Lors de cette première réunion du groupe de soutien familial, mon mari et moi avons été invités à participer à un nouveau programme NAMI pour les parents et les soignants. Le programme, NAMI Basics, était prévu pour six samedis d’affilée.
C’est pendant le cours 3, alors que nous racontions nos histoires, que j’ai craqué pour la première fois. Mon pauvre mari était choqué et ne savait pas comment réagir. Après tout, je n’avais jamais pleuré. J’étais forte. Je devais l’être. Mais ce jour-là, je n’étais pas forte. J’étais en colère – contre le système de santé mentale, contre la famille biologique de mon fils, contre le monde.
Si je ressentais autant de douleur, je ne pouvais pas imaginer ce que mon enfant ressentait.
Ce cours de six semaines a changé nos vies. Il m’a permis de faire le deuil de notre perte. La perte de l’enfant que nous pensions avoir et la capacité d’accepter l’enfant que nous avions.
Au fil des ans, mon fils est passé du traitement résidentiel à un foyer de groupe, puis à un foyer d’accueil thérapeutique, et nous avons continué à le soutenir émotionnellement et financièrement. On m’a souvent dit de confier sa garde à l’État et de ne pas revenir en arrière. Même si c’était possible, ce n’était pas une option pour moi. Il avait déjà perdu deux mères, il ne voulait pas me perdre aussi.
Chaque fois que je me sentais vaincue et que je me demandais si je devais abandonner, les compétences d’adaptation et de résolution de problèmes que j’ai apprises dans NAMI Basics m’ont aidée. Comme beaucoup d’autres, NAMI Basics a sauvé ma famille. Il nous a donné les outils pour continuer à avancer et à nous battre pour mon fils – ses soins, son bonheur et sa vie.
Mon fils a maintenant 23 ans, il est marié et a deux petits garçons. Lui et sa femme ont acheté une maison l’année dernière. L’université n’était pas son truc, alors il a suivi une formation professionnelle et est devenu monteur de lignes électriques. Il m’appelle souvent, surtout quand il est en colère ou déprimé. J’étais, et j’ai toujours été, le “coup de fil” de notre plan de crise pour lui.
Lors de mon dernier appel d’anniversaire, il m’a offert le plus beau cadeau que j’aurais pu recevoir. Cela ne lui a rien coûté, mais cela n’a pas de prix pour moi.
“Maman, je me souviens de toutes ces années où j’étais perdue, où je voulais abandonner et où j’avais l’impression que personne ne se souciait de moi. J’ai pu continuer et ne pas abandonner parce que toi et papa m’avez dit et redit que j’avais un but. Vous m’avez dit que je ne connaîtrais peut-être pas ce but avant des années, mais que je devais toujours me souvenir : “Tu as un but”.
Il m’a dit qu’il aidait un adolescent à traverser une crise de santé mentale quand il a réalisé : “Mon but est d’aider les gens de la même façon que toi et papa m’avez aidé.”
En l’aidant à trouver son but, j’avais trouvé le mien.
Auteur : Anita Herron
Anita Herron est directrice des programmes d’éducation nationale – y compris NAMI Basics – chez NAMI.
Cet article tiré du blogue de la National Alliance on Mental Illness (NAMI) et a été traduit par Jordan Bérubé.
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