Vous êtes-vous déjà senti « bizarre » et désorienté — comme si le monde qui vous entoure n’était pas réel ? Votre environnement vous donnait-il l’impression d’être un rêve ? Avez-vous été effrayé ou perturbé par ce changement de réalité ? Cette expérience déconcertante peut être un exemple de déréalisation (DR).
La DR peut toucher n’importe qui. Les experts sont encore en train d’apprendre les mécanismes sous-jacents de la déréalisation, mais celle-ci peut être déclenchée par plusieurs causes :
- Un traumatisme grave, résultant d’un accident ou d’un abus dans l’enfance, etc. ;
- Un stress constant, dépassant la capacité de la personne à y faire face ;
- La consommation de substances psychoactives.
Lorsque j’ai fait l’expérience de la déréalisation, je me souviens très bien avoir vécu ma réalité comme s’il s’agissait d’un rêve. Je marchais le long de la route, pris dans mes pensées, et soudain, le monde extérieur me semblait « éteint » et inconnu.
Mon expérience avec la déréalisation
Un soir, j’ai mangé des gélules de cannabis à titre récréatif, ce que j’avais déjà fait sans problème à plusieurs reprises. Depuis des semaines, je me sentais déconnecté de la réalité ; je n’arrivais pas à me défaire du sentiment que tout n’était qu’un rêve. Après avoir consommé les « edibles », ces sentiments inexplicables se sont intensifiés. J’ai attribué cette escalade aux effets du cannabis et j’ai décidé de dormir. Lorsque je me suis réveillé le lendemain, ce sentiment était toujours là.
Rétrospectivement, je ne crois pas que le cannabis ait été le déclencheur de ma déréalisation. Bien qu’il y ait eu plusieurs cas où des personnes ont consommé de la marijuana et se sont senties incapables de contrôler ses effets psychoactifs — ce qui peut entraîner des crises de panique et des rapports de déréalisation — je pense que ma DR avait commencé avant que je ne consomme les « edibles ». Au cours des jours suivants, la sensation de rêve est revenue plusieurs fois. Ce sentiment d’« irréalité » me saisissait sans prévenir.
Quelques jours après cette intensification de mes sensations étranges, je déjeunais avec mes collègues de travail. Après avoir commandé mon repas, j’ai soudain eu l’impression que quelque chose n’allait pas. Toutes celles et tous ceux qui m’entouraient me semblaient étranges, mais je n’avais pas d’hallucinations visuelles. Au contraire, tout me semblait intensément bizarre. Au cours des semaines suivantes, ce sentiment s’est transformé en un véritable épisode de DR qui a duré quelques années.
Ce qu’il faut garder à l’esprit
J’aimerais vous faire part de ma compréhension de ce symptôme afin d’aider ceux qui vivent peut-être une expérience similaire.
Vous n’êtes pas en danger
Lorsque j’ai commencé à ressentir la déréalisation, j’ai eu peur que mes symptômes ne soient le début de quelque chose de terrible. Cette expérience peut être si étrange et isolante. J’ai supposé (comme beaucoup d’autres personnes qui se sont trouvées dans ma situation) que ce sentiment signifiait que je courais un grave danger.
Pour certains, la déréalisation peut être un événement « ponctuel ». Pour d’autres, il peut s’agir d’un phénomène chronique — soit des épisodes intermittents qui vont et viennent, soit un sentiment d’irréalité constant pendant une longue période. Naturellement, les personnes qui connaissent une déconnexion chronique de la réalité peuvent craindre pour leur sécurité et leur avenir.
Cependant, je suis heureux d’annoncer que, même après toutes ces années, rien d’épouvantable ne m’est arrivé. Je me suis rétabli et je mène une vie parfaitement fonctionnelle. Aucune de mes pires craintes ne s’est matérialisée.
Il y a une raison pour laquelle nous nous sentons ainsi. Lorsque nous subissons un traumatisme ou un stress important, notre corps et notre esprit peuvent se dissocier. Cela est parfois nécessaire pour éviter de se sentir émotionnellement dépassé. En termes simples, le corps et l’esprit se déconnectent, soient l’un de l’autre, soient de la réalité. Cette déconnexion sert de mécanisme de protection.
Ce n’est pas une psychose
Ma plus grande crainte pendant mes épisodes de DR était qu’elle ressemblait à un début de psychose. Je craignais que cet état soit en fait un début de schizophrénie ou quelque chose de plus grave. Cependant, la DR n’est pas la même chose que la psychose, et le fait de vivre une DR ne signifient pas que vous allez développer une schizophrénie.
Les personnes atteintes de schizophrénie ou de psychose ont généralement des hallucinations ou des délires qui peuvent être difficiles de distinguer de la réalité. Les personnes atteintes de DR peuvent se sentir étranges par rapport à elles-mêmes ou à leur environnement, mais elles n’ont généralement pas d’hallucinations ou de délires. Elles sont également plus souvent conscientes que quelque chose ne va pas et peuvent avoir plus de facilité à décrire leurs symptômes comme ne correspondant pas à la réalité.
Il est important de noter que les personnes atteintes de schizophrénie peuvent également souffrir de déréalisation, mais la conscience des symptômes est essentielle pour aider à différencier les deux conditions.
Ne combattez pas ces sentiments
Votre premier réflexe peut être de lutter et de résister à ce que vous ressentez. Il est compréhensible que vous vouliez arrêter de vous sentir « étrange ». J’ai ressenti la même chose, au début. Mais je ne me rendais pas compte que c’était le fait de combattre ces sentiments de DR qui les faisait durer.
Comme je l’ai appris par expérience personnelle, lorsque nous luttons et résistons à ce que nous ressentons, nous stressons inutilement notre corps et notre esprit. Ce stress produit davantage de sentiments de déréalisation, et votre mécanisme d’adaptation devient en fait une boucle de rétroaction vicieuse. La meilleure façon de mettre fin à cette boucle est de cesser de lutter contre ces sentiments, de s’asseoir avec eux et d’essayer de les accepter.
Cela peut sembler être une idée terrible au début. Vous pouvez penser que le fait d’accepter et de permettre à ces sentiments d’être en vous pourrait vous faire perdre le contact avec la réalité. Mais ce n’est pas le cas. Une fois que vous aurez commencé à vous détendre et à lâcher prise, vous pourrez commencer à guérir de la déréalisation.
Chaque fois que vous ressentez un épisode de déréalisation, dites-vous que c’est normal de se sentir ainsi. Ensuite, essayez d’accepter de ressentir cette sensation. Ne la jugez pas et ne la qualifiez pas de dangereuse. Acceptez-la et faites de votre mieux pour continuer votre journée. Bien sûr, ce sera difficile au début, mais une fois que vous serez assuré de votre sécurité, vous aurez plus de facilité à lâcher prise et à guérir.
Continuez à aller de l’avant
Une fois que vous aurez suivi la voie de l’acceptation, la meilleure chose à faire est de continuer à aller de l’avant. Je comprends que la DR peut restreindre votre vie. Vous ne vous sentez peut-être plus la même personne qu’il y a quelques semaines. Vous pouvez même vous sentir perdu, effrayé, déprimé ou désespéré.
Je me souviens de la peur et de l’incertitude. Cependant, à la fin, j’ai réussi à trouver le courage et l’espoir et j’ai continué à avancer dans ma vie. Une fois que j’ai eu l’assurance que je n’étais pas en danger, j’ai cessé de lutter contre mes symptômes. J’ai commencé à lâcher prise. J’ai essayé de vivre ma vie aussi normalement que possible, même en présence de symptômes fréquents.
Cela m’a aidé à faire de petits pas et à accomplir des tâches simples chaque jour, à prendre des habitudes saines et à m’y tenir, à m’informer sur cette maladie, à pratiquer l’acceptation et à continuer à vivre une vie saine et productive. Le rétablissement de la déréalisation prend du temps. La patience est donc essentielle, mais je suis la preuve vivante que c’est possible.
Auteur : Swamy G.
Swamy G. a déjà souffert de dépersonnalisation et de déréalisation, mais il a fait de grands progrès dans sa guérison. Il est maintenant un conseiller certifié qui aide les gens à se rétablir de la dépersonnalisation et de la déréalisation, de l’anxiété et du trouble panique. Swamy est le créateur de DP No More, un cours vidéo en ligne pour vous aider à gérer la dépersonnalisation et la déréalisation.
Cet article tiré du blogue de la National Alliance on Mental Illness (NAMI) et a été traduit par Jordan Bérubé
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