Une fois de plus, j’ai dépoussiéré mon CV obsolète et commencé à rédiger des lettres de motivation. Prudemment optimiste, j’ai postulé auprès de plusieurs entreprises répertoriées sur un site d’emploi. En reprenant ma recherche de travail, j’étais pleinement consciente que mes humeurs pourraient m’empêcher de rester employée (encore une fois), étant bipolaire. Cependant, cette fois-ci, j’ai décidé de dissimuler cette négativité dans ma mallette et de me lancer.
Tout au long de ma vie d’adulte, l’irrationalité et l’impulsivité de la manie ont sévèrement limité ma capacité à conserver un emploi. Je décris souvent la manie comme une sensation similaire à l’ingestion de 20 boissons énergisantes et à l’endurance des effets secondaires pendant des jours, des semaines, voire des mois. Vous pouvez imaginer comment cela affecterait la capacité d’une personne à travailler.
En raison de la manie, j’ai sauté d’un emploi à l’autre — des services sociaux à la publicité, puis de retour aux services sociaux, ensuite j’ai poursuivi une maîtrise en éducation spécialisée qui m’a conduite à l’enseignement, et enfin de retour aux services sociaux — sans jamais vraiment construire une carrière.
Mes émotions et mes symptômes obscurcissent souvent ma pensée et mon comportement, ruinant mes relations au travail. Cependant, l’identification de mon diagnostic et l’apprentissage de stratégies d’adaptation ont été essentiels pour apprendre à garder un emploi.
Avant mon diagnostic
Il était presque impossible de garder un emploi lorsque j’étais maniaque car je n’avais aucune idée à quel point j’étais malade. Mes symptômes incluaient :
- L’autosatisfaction
- Le refus des directives
- Mon cerveau éparpillé laissant les projets à moitié terminés
- Une mauvaise prise de décision
- La dissimulation des tentatives infructueuses pour accomplir une tâche
- Le fait de négliger de demander de l’aide quand j’en avais besoin
Je blâmais tout le monde pour mes déficiences parce que j’avais toujours raison.
Mes superviseurs essayaient de me contrôler, mais je refusais. Inévitablement, ils devaient me laisser partir. Laisser partir quelqu’un sonne si doux et gentil — comme si mes patrons m’envoyaient comme un oisillon apprenant à voler. En réalité, me laisser partir ressemblait à quelque chose comme :
« Nous n’allons pas renouveler votre contrat. »
« Vous pouvez finir la semaine. »
« Je vais vous redonner votre ancien poste (aka vous rétrograder). Voici un mouchoir. »
Chaque fois, mon corps réagissait par une combinaison de larmes et ma mâchoire se bloquait si douloureusement que je ne pouvais manger que de la compote de pommes et des milk-shakes.
Après avoir perdu trois emplois à cause de mes humeurs imprévisibles, j’ai pris du temps pour me ressaisir. J’ai passé une semaine à l’hôpital et je suis sortie avec un cadeau de départ — un diagnostic de trouble bipolaire de type I.
Après mon diagnostic
L’identification de ma maladie mentale lors de mon séjour en psychiatrie, ainsi que la réception de médicaments et de thérapies, ont ravivé à la fois la positivité et l’équilibre dans ma vie. Il m’a fallu plusieurs mois pour me sentir suffisamment stable pour travailler à nouveau, mais j’ai ensuite pris un emploi flexible et peu stressant.
Ma superviseure était un excellent système de soutien qui comprenait la maladie mentale en raison de son expérience personnelle. Elle étudiait également pour devenir travailleuse sociale agréée. Elle a plaidé en ma faveur à plusieurs reprises lorsque j’ai dû m’absenter du travail en raison d’un épisode de manie ou de dépression. Elle a également fermement exigé que je saute les conférences annuelles « toutes mains sur le pont » qui avaient lieu dans tout le pays afin de rester chez moi avec mon équipe de soutien composée de ma famille et de professionnels. J’ai appris d’elle que mon auto-soin était valide et essentiel à mon bien-être.
Après deux ans dans ce poste gérable, le trouble bipolaire a repris le contrôle de mon cerveau, me faisant passer de la manie à la dépression. Je savais que je devais arrêter de travailler, mais au moins cette fois, partir était ma décision. Au lieu de travailler à un emploi, j’ai choisi de travailler sur moi-même.
« Faire le travail » à temps plein pour comprendre et gérer ma maladie mentale a nécessité un effort pour changer mes habitudes. J’ai commencé à bien manger, à faire de l’exercice, à prioriser l’auto-soin, à suivre un régime médicamenteux et à essayer la relaxation musculaire progressive pour m’ancrer. J’ai aussi commencé à tenir un journal sur les choses pour lesquelles j’étais reconnaissante et même à écrire des essais pour réfléchir.
Ce processus a eu ses hauts et ses bas. Parfois la méditation et la relaxation musculaire me calmaient, parfois non. Mes médicaments fonctionnaient pendant un certain temps — jusqu’à ce qu’ils ne fonctionnent plus. Parfois, la thérapie me donnait une perspective et parfois je me sentais bloquée. Malgré les défis, après avoir appris ces outils, j’ai ressenti une étincelle de contrôle, de confiance et d’espoir que je n’avais pas ressentie depuis des années.
Où j’en suis maintenant
Récemment, j’ai été invitée à rencontrer les superviseurs d’un poste pour lequel j’avais postulé avant mon dernier épisode de manie. J’ai brillamment réussi l’entretien malgré mon tourbillon interne d’émotions et j’ai décroché le poste. Ayant été sans emploi pendant plus de deux ans, je ne me sentais pas prête à me qualifier d’employée.
L’auto-dialogue positif que j’avais développé pendant ma brève récupération est rapidement redevenu négatif. J’ai presque réussi à me convaincre de ne pas essayer, mais ma thérapeute m’a aidée à réaliser que mon anxiété concernant le retour au travail déclenchait ma colère et mon agitation. En utilisant certaines stratégies d’adaptation, comme obtenir de l’aide professionnelle, pratiquer l’auto-soin, cultiver la gratitude et trouver la présence, je crois que mon anxiété passera et, en retour, mes comportements maniaques se calmeront.
Malgré mes doutes, je me lance. Je travaille chaque jour pour me détendre, lâcher prise sur la négativité, remplir diligemment les responsabilités de mon poste et, quand c’est nécessaire, chercher de l’aide sur et en dehors du travail. Souhaitez-moi bonne chance.
Auteure : Laura Germak Ksenak
Laura Germak Ksenak a reçu un diagnostic de trouble bipolaire de type 1 en 2014 et écrit son histoire depuis. Elle apprécie son nouveau travail à temps partiel qui lui laisse beaucoup de temps pour perfectionner son art sous la tutelle de The Writers Circle dans le New Jersey.
Cet article tiré du blogue de la National Alliance on Mental Illness (NAMI) et a été traduit par Jordan Bérubé.